Mutilations génitales féminines dans le Poni : Une audience foraine à Nako pour rappeler les coupables à l’ordre

Publié le lundi 25 novembre 2019 à 20h36min

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Mutilations génitales féminines dans le Poni : Une audience foraine à Nako pour rappeler les coupables à l’ordre

La salle de réunion de la mairie de Nako (localité située à 42 km de Gaoua) a abrité, ce jeudi 21 novembre 2019, une audience foraine suite à des cas d’excision perpétrés sur des mineurs dans cette localité. Au cours de cette audience organisée par le Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre la pratique de l’excision (SP-CNLPE) en collaboration avec le Tribunal de grande instance de Gaoua, trois présumés coupables ont comparu. Ce procès a été suivi de bout en bout par une délégation sénégalaise venue s’imprégner de l’expérience du Burkina Faso en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines.

Selon les services de l’Action sociale de Nako, les faits remontent au 9 mai 2019 dans le village de Horao, où 9 filles de 9 à 15 ans ont été excisées. Cinq d’entre elles ont été retrouvées et prises en charge. Aussi, trois présumés coupables ont été arrêtés.

Ces derniers étaient à la barre du Tribunal de grande instance de Gaoua, ce 21 novembre 2019. Il leur a d’abord été notifié les charges qui sont retenues contre eux, notamment la non-dénonciation des actes d’excision sur des mineurs qui sont sous leur tutelle. Les prévenus, pour leur défense, ont tous affirmé n’avoir pas été présents au moment des faits pour des raisons diverses. Les victimes ont également été auditionnées. Elles affirment s’être fait mutiler volontairement par une exciseuse (dont l’identité n’a pas pu être établie) dans le domicile familial, en l’absence de leurs parents, moyennant la somme de 1 000 F CFA.

Après l’audition des victimes, le président du tribunal, visiblement confus, a déclaré qu’« il est incompréhensible qu’une exciseuse passe de domicile en domicile, pour exciser des filles sans l’accord des parents et sans être dénoncée. Cela ne pourrait se faire sans la complicité de certaines personnes ». Toutefois, les prévenus ont reconnu leur tort, celui de n’avoir pas dénoncé aux autorités les mutilations constatées sur leurs filles, de retour à leur domicile.

Le procureur du Faso près le TGI de Gaoua a estimé que les prévenus sont complices et ont dangereusement compromis le bien-être de leurs progénitures, au vu des conséquences énormes de l’excision. Il a ainsi requis 12 mois de prison ferme et un million de francs CFA d’amende assortis de sursis à l’encontre de tous les prévenus.

Du verdict, il sera retenu, pour le père d’une victime de 8 ans, une condamnation de 12 mois de prison ferme plus une amende de 500 000 F CFA assortie de sursis. La grand-mère d’une victime, la soixantaine bien sonnée, est condamnée à 11 mois et 15 jours d’emprisonnement dont 15 jours fermes et 11 mois assortis de sursis, en plus d’une amende de 500 000 francs également assortie de sursis. Le troisième prévenu a été relaxé, car le délit a été commis en terre ivoirienne, donc en dehors de la compétence territoriale du TGI de Gaoua. Le tribunal a ainsi prononcé l’irrecevabilité de ce dossier.

Le procureur près le TGI de Gaoua, Cheik Compaoré, s’est dit satisfait du verdict prononcé, même si le tribunal n’est pas allé dans le sens de son réquisitoire. Pour lui, le plus important reste l’aspect pédagogique de ces audiences foraines.

Même sentiment du côté de la présidente du Conseil national de lutte contre la pratique de l’excision (SP-CNLPE), Alphonsine Sawadogo, qui promet la poursuite de la sensibilisation et des audiences foraines, pour un changement de comportements.

A l’issue de l’audience, la délégation sénégalaise a exprimé toute sa satisfaction. « Nous repartons satisfaits et outillés pour lutter désormais contre les mutilations génitales féminines qui constituent un véritable frein à l’épanouissement de la fille et de la femme au Sénégal. Et en la matière, le Burkina Faso est sur une bonne lancée », a confié le chef de la délégation, le magistrat Julien Ngane N’Dour.

Boubacar Tarnagda

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